Avec des journaux tels que le New York Times, qui en cent ans a obtenu 125 Pulitzer (dont 3 en 2018), la réputation des éditeurs les plus connus de la presse américaine n’est plus à faire.

Ces grands journaux sont suivis de très près dans le monde entier, et servent de modèles en ce qui concerne les stratégies de communication et de monétisation. On peut d’ailleurs citer le “2020 report” du New York Times, évoquant les changements dans leurs stratégies et leurs nouveaux buts, source d’inspiration pour tous les médias.

Nous nous sommes intéressés à trois médias : le New York Times, le Washington Post et le Wall Street Journal et avons analysé l'expérience utilisateur qu'ils ont imaginée pour leurs lecteurs, avant et au moment de les convertir en abonnés.

Nous verrons d'abord comment ces médias tentent de faire comprendre au lecteur l'importance de payer pour accéder à du contenu de qualité. Puis nous verrons comment ils s'assurent de convaincre les lecteurs par la via leur système de paywall et le type d'offres d'abonnement qu'ils proposent. Enfin nous verrons comment ces médias font évoluer leurs paywalls en fonction de tests ou de personnalisations qui permettent de se rapprocher de la meilleure expérience possible pour l’utilisateur, et ce, dans n’importe quel contexte.

Notre analyse s’est articulée autour de 4 grandes questions :

Dans chacune de ces parties, vous retrouverez un ensemble de points clés identifiés par Poool qui vous aideront à mieux comprendre les méthodes de ces grands éditeurs.


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TL;DR

Voici les 3 premiers aspects-clés qui sont ressortis de l’étude :

  1. Lorsque l’abonnement ne séduit pas un lecteur, la collecte de données est une bonne alternative pour créer de la valeur et engager l’audience
  2. Les lecteurs n’ont pas forcément le même comportement sur le mobile et l’ordinateur, il semble donc important de proposer des stratégies différentes pour ces deux devices
  3. La personnalisation du paywall en fonction de plusieurs facteurs (période, zone géographique, tests d’offres,…) intègre mieux le paywall dans un contexte utilisateur

Partie 1 - Comment communiquer son modèle d'accès au contenu auprès des lecteurs ?

À chaque modèle son impact sur l'expérience lecteur

Dans l’univers des éditeurs de presse, plusieurs modèles existent : le freemium, le hard paywall, le metered paywall ou le tout gratuit.

Outre-Atlantique, les organismes de presse ont jeté leur dévolu sur le metered paywall, un paywall à compteur apparaissant dès que le nombre d’articles gratuits fixés par l'éditeur est atteint. Le New York Times et Washington Post utilisent ce modèle.

Selon une étude de l’American Press Institute de 2016, 62 journaux américains sur 98 procèdent de cette façon pour engranger des abonnements. On compte en moyenne 5 articles gratuits (par mois) avant l’affichage du paywall. Cela permet au visiteur de lire quelques articles avant d’avoir à s’abonner. Il peut donc avoir un aperçu de l’UX (expérience utilisateur) et juger de la qualité du journal.

Le Wall Street Journal utilise quant à lui un paywall dynamique qui propose plusieurs expériences utilisateur basées sur la propension à s’abonner du lecteur, bien qu’en pratique, une bonne partie des utilisateurs voient ainsi leurs articles bloqués par un hard paywall. Nous n’avons donc pu tester que l’état hard final de ce système de paywall.

Quel que soit le modèle choisi, l’impact sur l’expérience des lecteurs est immédiat. Comment ces 3 médias gèrent-ils cette expérience ? Comment communiquent-ils rapidement le modèle qu'ils proposent au lecteur ?

Pousser le lecteur à s’abonner grâce aux zones d’autopromotion

Plusieurs zones d’autopromotion sont visibles dès que l’on arrive sur les sites. Tout d’abord, il est commun de voir un bandeau en bas de l’écran visant à informer le lecteur d’une éventuelle réduction ou tout simplement le pousser à s’inscrire.

Le bandeau du Wall Street Journal pour promouvoir l’offre de printemps

Dès la page d’accueil du New York Times, on peut apercevoir un espace d’autopromotion parmi les aperçus des articles du jour. Les phrases sont brèves et rappellent au lecteur à quel point le journalisme indépendant est essentiel de nos jours. Ces phrases sont suivies d’un appel à action (par exemple “Subscribe to the Times”) pour lui permettre de s’abonner.

Autopromotion sur la page d’accueil du New York Times

Il arrive aussi qu’un message s’affiche en plein milieu de l’écran, toujours dans le but de pousser le lecteur à s’abonner. Il est de la même couleur que l’en-tête du paywall et cela en renforce l’impact.


C’est le cas pour le Washington Post et le New York Times.

On observe d’ailleurs chez ces deux journaux des messages destinés à l’utilisateur pour l’avertir de la présence du metered paywall.

Chez le Washington Post, l’utilisateur voit apparaître un bandeau d'information horizontal qui s’affiche en haut de la page et qui lui donne le choix entre s’abonner et recevoir un mail qui lui rappellera de s’abonner plus tard. Il reçoit immédiatement un premier mail de remerciements, puis le rappel deux jours plus tard.

Le bandeau
Le bandeau, après avoir cliqué sur “send me this offer”
Le mail que le lecteur reçoit immédiatement



Chez le New York Times, il s’agit d’un petit compteur sur la page qui permet de voir le nombre d’articles gratuits qu’il reste à l’utilisateur.

Le compteur

D'un point de vue UX, le format compteur est intéressant car il permet de faire rapidement comprendre, et de manière assez ludique, le système mis en place. Il crée cependant un certain sentiment d'urgence qui peut être à la fois efficace mais frustrant pour l'utilisateur.

Il est aussi à noter que les paywalls de ces journaux s’affichent très rapidement dès lors que l’on a dépassé le quota d’articles gratuit. Cette rapidité peut être plus agréable pour l’utilisateur, qui ne commencera pas la lecture d’un article pour être finalement bloqué de façon brutale et inattendue. La performance d’affichage fait intégralement partie des composantes d’une bonne UX.

Faire passer un message qui marquera l’utilisateur

Le ton est impactant : chez le New York Times par exemple, les messages sont composés de deux ou trois phrases courtes mettant l’accent sur la qualité du journal et le fait qu’il réponde aux attentes de ses abonnés.

Cela peut paraître surprenant, mais les éditeurs observés ne semblent pas miser sur de l'iconographie pour attirer l'attention des lecteurs sur leur paywall. Ils utilisent plutôt des couleurs tranchantes et des punchlines fortes pour interpeller. Le graphisme n’est pas négligé ; il reste très épuré pour un maximum de finesse et de clarté.

Sur les versions digitales des gros journaux américains, il est courant que le discours cherche à justifier le prix du journal.

Généralement, l’idée est de montrer au lecteur qu’il paye pour bénéficier d’un journalisme de qualité.

Le Washington Post voit le lecteur comme un acteur très important du journalisme : c’est lui qui, en payant, finance le “vrai journalisme” et leur permet de subsister.

“Le vrai journalisme compte”

En revanche, pour le Wall Street Journal, le lecteur est poussé à comprendre qu'il va payer pour obtenir non seulement des faits et des informations quantifiées, mais aussi une analyse poussée de ceux-ci.

Ici, on peut voir que le journal veut convaincre de sa valeur ajoutée. Il se positionne en expert de l’analyse politique et se considère comme “le journal auquel les américains font le plus confiance”.

“Le monde réagit. Nous analysons”

Partie 2 - Comment concevoir un design de paywall efficace et impactant ?

À chaque journal son style de paywall

En ce qui concerne le paywall, son design est un élément très travaillé. Il reste fonctionnel et didactique. Le but semble être de ne pas perdre le lecteur : tout se passe de façon la plus fluide possible.

Mais, vaut-il mieux mettre en place un petit ou un grand paywall ? Là encore il y a plusieurs écoles.


Vous souhaitez vous inspirer de paywalls du monde entier ? Lisez plutôt : nous avons regroupé 50 exemples de paywall dans cet article, sur The Audiencers.


Sur le site du New York Times, l’encart est grand, scrollable et contient beaucoup d’informations sur l’abonnement. On peut comprendre la démarche : le journal permet au spectateur de faire un choix, sans décider à sa place de ce qui est bon pour lui.

Le paywall existe en deux versions, une version fixe, qui apparaît en plein centre de l’écran, et une version qui apparaît lorsque l’on scrolle.

La première possède un en-tête qui peut être de différentes couleurs, puisqu’il est assorti aux zones d’autopromotion que le lecteur a pu voir apparaître auparavant.

Le paywall du New York Times (version 1)
Le paywall du New York Times (version 2)

À l’inverse, chez le Washington Post, on se rend compte que les modalités d’abonnement sont disponibles sur une page qui ne s’ouvre que si l’utilisateur appuie sur le bouton “more”. Le paywall contient moins d’informations et prend peu de place. On a donc un petit encart épuré muni d’un bouton simple, coloré et compréhensible qui renvoie directement vers une page de paiement.

Le paywall du Washington Post

On peut se demander si, dans le cas d’un paywall comme celui-là, le peu d'informations disponibles n'entrave pas la prise de décision du lecteur en ce qui concerne le type d'offre qui pourrait l'intéresser.

D’un autre côté, un encart trop chargé peut se révéler repoussant pour certains lecteurs puisque trop d’informations pourraient nuire à la lisibilité.

Il existe aussi des journaux dont le paywall ne comporte que quelques boutons et est placé directement sous l’article. C’est notamment le cas de ceux qui proposent un contenu premium et suivent un modèle hard (3% de la presse américaine, selon l’American Press Institute). Tous les articles de ces journaux, sans exception, sont payants. Il est donc nécessaire de payer un abonnement pour lire ne serait-ce qu’un article.

C’est l’un des modèles qu’a choisi le Wall Street Journal (paywall dynamique) dont l’état hard du paywall est simplement composé de deux boutons : l’un pour s’inscrire et l’autre pour se connecter. On peut quelquefois y regarder gratuitement une vidéo liée au sujet traité.

Le paywall du Wall Street Journal

Maîtriser l’expérience “paywall” au fur et à mesure des déblocages

Avec un metered paywall, les premiers articles sont gratuits.

Dans une précédente analyse du New York Times, nous avions remarqué que le lecteur passait par plusieurs étapes avant de débloquer le paywall.

Depuis, le nombre d’articles gratuits a considérablement baissé, il est passé de 10 à 5.

Par exemple, les messages que l’on recevait tout au long de l’expérience de déblocage paywall du New York Times ont disparu. Il ne reste qu’un compteur d’articles qui rappelle au lecteur que sa lecture va être bloquée et qui peut créer une certaine frustration.

Chez le Washington Post, c’est le même constat. Il n’existe aucun message rappelant au lecteur que sa lecture sera interrompue par l’apparition d’un paywall.

On peut se poser la question de l’intérêt de faire évoluer le design ou le wording au fur et à mesure de la consommation des articles offerts. Par exemple, cela pourrait permettre d’accompagner le lecteur et de le sensibiliser au blocage imminent avec un vocabulaire de plus en plus marqué.


Partie 3 - Comment personnaliser la prise d'abonnement pour la rendre la plus pertinente possible ?

Convaincre un grand nombre de lecteurs grâce à un parcours très simple

Sur le site du Washington Post, le lecteur accède à la page de paiement en cliquant directement sur le bouton coloré. Il n’a accès aux détails des offres d’abonnement que s’il clique sur le bouton “more” du paywall. La présélection d'une offre d'abonnement rend le parcours plus simple, quitte à faire de l'upsell par la suite.

Dans le cas du New York Times, les offres d’abonnement se trouvant déjà sur le paywall, il lui suffit juste de cliquer sur l’offre qui lui convient et il arrive sur la page de paiement.

Pour ces deux journaux, l’abonnement se fait donc en un seul clic ! C’est une observation intéressante lorsque l’on sait que le taux de conversion entre le moment où le lecteur arrive sur la page d’abonnement et celui où il convertit est critique.

Pour ce qui est du Wall Street Journal, le lecteur qui clique sur le bouton d’inscription se retrouve sur une page de sélection de l’offre, et c’est en cliquant sur l’offre qui lui convient qu’il arrive sur la page de paiement.

Pour s’abonner au New York Times, les lecteurs ont le choix entre s’inscrire (ou, si c’est déjà fait, se connecter) avec leur adresse email ou indirectement, via Facebook ou Google, dans le cas du Washington Post. Une fois connectés, ils peuvent payer par virement, par carte de crédit ou via PayPal.

Etape 1
Etape 2

Chez le Washington Post, c’est aussi très simple, il suffit juste de choisir si l’on paye au mois ou à l’année, d’entrer son adresse email en vue de créer un compte ou de se connecter, et sur la même page, de payer via PayPal, Amazon Pay ou par carte bancaire.

Le processus d’inscription est un peu plus long chez le Wall Street Journal puisque dans tous les cas, même lorsque l’on prend un abonnement digital, on se retrouve obligé d’entrer son adresse postale et invité à renseigner son téléphone. On peut ensuite payer, mais seulement en entrant les informations de sa carte bleue, ce qui pourrait être un frein pour les utilisateurs fréquents de PayPal.

De plus, lorsque le lecteur a besoin d’une assistance dans le choix de son offre, il peut entrer ses coordonnées dans un formulaire de contact.

Laisser le choix à l’utilisateur avec des offres multiples

Il est important d’aborder la question du prix, puisque celui-ci peut être un frein la consommation d’articles en ligne.

Les journaux proposent, en général, une offre basique qui permet un accès illimité aux articles depuis n’importe quel device. Cette offre oscille entre 4$/mois et 10$/mois (en savoir plus sur les prix des journaux américains). Dans de rares cas, le prix peut monter jusqu’à 37$/mois (Wall Street Journal).

Le New York Times propose :

  • l’abonnement basique à 4$/mois
  • un abonnement “All access” à 12,52$/mois et qui comporte, en plus de l’offre basique, des puzzles, des recettes et une réplique numérique du journal papier
  • un abonnement “All access Plus” à 17,52$/mois et qui comporte, en plus de l’offre “All access”, la possibilité de contacter les journalistes et des lives exclusifs

Le Washington Post propose :

  • l’abonnement basique à 10$/mois
  • le même abonnement (basique) mais à un prix inférieur si le lecteur convertit en étant passé par le paywall :  6$/mois
  • un abonnement “Premium Digital”, à 15$/mois, permettant d’inscrire une autre personne gratuitement, d’offrir chaque mois un pass d’un mois à la personne de son choix  et de pouvoir télécharger sans limite les e-books des journalistes du journal ayant gagné un Pulitzer

Le Wall Street Journal propose :

  • un abonnement “Digital”, à 36,99$/mois + taxes, qui permet un accès illimité au site web et aux apps mobile et tablette
  • un abonnement “Print”, à 37,99$/mois + taxes, qui permet de recevoir le journal papier quotidiennement et d’accéder sans limite au site web et à l’app mobile
  • un abonnement “Digital + Print”, à 38,99$/mois + taxes, qui joint les deux offres précédentes

Il est important de mentionner que le prix de l’abonnement est réduit de moitié si l’on paye à l’année.

Pour ces trois journaux, les étudiants et enseignants du supérieur ont droit à des tarifs réduits sur l’abonnement basique :

  • 1$/mois pour le New York Times
  • 5$/mois pour le Washington Post
  • environ 4$ ou 5$/mois pour le Wall Street Journal

Adapter l'offre au contexte du lecteur pour plus de pertinence

Pour le Wall Street Journal, la personnalisation de l’offre d’abonnement passe par une adaptation de la devise. En effet, le journal a décidé de localiser l’utilisateur pour lui permettre de payer avec la monnaie de son pays et un prix adapté.

Là encore, on constate que le lecteur n’a pas le choix entre plusieurs offres, on ne lui propose que l’offre digitale, offre la plus adaptée puisque le quotidien papier n’est pas livré en dehors des États-Unis.

L’offre Européenne du Wall Street Journal

Chacun de ces journaux propose aussi des tarifs réduits pour les étudiants. Il faut d’abord passer par une plateforme de justification de statut étudiant. Pour le Washington Post, le paiement se fait avant la vérification.

Attirer les réticents avec des offres promotionnelles

Selon une seconde étude de l’American Press Institute, les offres promotionnelles incitent beaucoup d’utilisateurs à payer un abonnement, 45% des lecteurs américains se sont d’ailleurs abonnés grâce à une promotion ou une période d’essai gratuite.

Souvent, les premières semaines ou les premiers mois sont moins chers. Le premier mois est généralement proposé à 1$.

Il existe aussi des offres promotionnelles à durée limitée, par exemple :

  • Le Wall Street Journal a baissé ses prix de moitié aux États-Unis et a fixé des prix très bas pendant 3 mois pour le reste du monde (1€, 1£ ou encore 1CHF) pour son offre spéciale de printemps
  • Le New York Times met en place des offres 24h, qui permettent 60% d’économies

Peut-être que le Washington Post a baissé les prix des forfaits pour les lecteurs s’abonnant via le paywall parce que ceux qui y arrivent sont très intéressés par les actualités et sont susceptibles de lire plusieurs articles à la suite. Ils pourraient donc devenir des abonnés fidèles.

Le Washington Post sait que les lecteurs arrivant au paywall portent un intérêt considérable au journal

L’abonnement basique passe donc à 60$ au lieu de 100$ l’année. Ce qui équivaut à 40% d’économies. Le lecteur est amené à prendre cet abonnement par défaut, il n’a pas le choix mais c’est l’option la plus adaptée.

La page d’abonnements sans passer par le paywall
La page d’abonnements en passant par le paywall

Dans le cas du Washington Post, si l’utilisateur a passé un certain temps sur la page d’abonnement, sans se décider, il peut recevoir une offre discount. On peut imaginer que le journal tente de convaincre les indécis de s’abonner en leur faisant cette offre très alléchante.


Partie 4 - Comment tirer parti du caractère modulable du paywall ?

Voir le paywall comme un élément vivant pour le faire évoluer en fonction de l’actualité

Le numérique apporte une plus-value incroyable à chaque éditeur.

Il est par exemple possible d’analyser les résultats de campagnes sur l’audience et d’adapter les stratégies pour favoriser l’abonnement et la rétention d’abonnés.

Le prix, le design et le message peuvent évoluer en fonction de la période, du comportement des lecteurs ou des besoins du journal.

C’est ce qu’on a pu constater chez le New York Times : le journal évolue constamment, que ce soit au niveau des couleurs ou des phrases utilisées. Le paywall adapte donc son apparence à chaque événement.

Différencier les stratégies en fonction du device

Si les versions web mobiles se différencient peu des versions web desktop, les applications mobiles des journaux peuvent être assez différentes.

On notera par exemple que certains articles sont disponibles gratuitement sur l’application du Wall Street Journal. Cette version nomade du journal est donc freemium.

Un article du Wall Street Journal dans sa version web

Le même article dans l’application


En revanche, les réductions effectives sur le site web ne sont pas disponibles sur l’application. Le lecteur est donc voué à payer plein tarif s’il décide de s’abonner via l’application.


Il est aussi possible de s’abonner au contenu produit par un journaliste en cliquant sur son nom.

Sur les articles gratuits, on remarque la présence d’espaces dédiés à la publicité. On peut supposer que ces articles ciblent un public plus volatile qui est habitué à la publicité et n’y voit aucun inconvénient.

Publicité dans un article gratuit du Wall Street Journal

Chez le Washington Post et le New York Times, l’application et la version mobile suivent aussi le modèle du metered paywall.

Le New York Times propose un récapitulatif des informations du jour.

Une fois que le paywall s’affiche, il est possible d’activer un essai de 30 jours en entrant ses coordonnées bancaires via Google Pay ou Apple Pay.

Paywall du Washington Post sur mobile

Paywall du Wall Street Journal sur mobile

Définir le meilleur mix de modes de financement

Il existe d'autres moyens de créer de la valeur au-delà des stratégies de financement par un paywall classique invitant à s'abonner. La publicité et la collecte de données en font partie.

En effet, la monétisation par la publicité est un mode de rémunération avéré mais il est controversé car il peut nuire à l’expérience utilisateur et pousser le lecteur frustré à bloquer les encarts publicitaires au moyen d’un adblocker. De plus, ces encarts peuvent réduire la visibilité des zones d’autopromotion mises en place par le journal.

Bandeaux de publicité à droite au dessus de l’article sur le site du Washington Post

Bandeau de publicité sur la page d’accueil du site du Wall Street Journal
Encart publicitaire dans un article du New York Times

C’est d’ailleurs dans un souci de respect de l’expérience utilisateur que le New York Times a choisi de réduire progressivement sa dépendance à la publicité : son chiffre d’affaires tiré de la publicité est donc passé de 50% en 2011 à 30% en 2018 (source : strategies.fr) et la vente d’espaces publicitaires sur la version digitale du journal a baissé de 6% en un an (source : cbnews.fr). Le journal communique beaucoup sur ces évolutions.

Malgré cette envie de se défaire du financement par la publicité, le journal demande toujours aux utilisateurs de désactiver leur adblocker pour autoriser les publicités sur le site et “encourager un journalisme auquel ils peuvent faire confiance”. Une fine barre apparaît pendant la lecture, sous l’article : elle renvoie vers un tutoriel pour désactiver son adblocker.


Par ailleurs, récolter de la data sur les lecteurs crée aussi de la valeur. Non seulement, cela permet aux éditeurs de mieux connaître leur audience, mais cela crée également de l’engagement et donc de la fidélisation. Par exemple, les journaux peuvent récolter des adresses e-mail de lecteurs en leur permettant de s’inscrire et se connecter à leur site, et ce, sans souscrire un abonnement. Ces données serviront par la suite à mieux cibler les lecteurs en leur envoyant du contenu qu’ils sont susceptibles d’apprécier pour les convertir.

Sur le Washington Post, le lecteur dispose alors d’un espace personnel sur lequel il peut s’abonner à de nombreuses newsletters classées par sujet. Ces newsletters sont un moyen efficace d’orienter le lecteur vers un contenu qui l’intéresse et pour lequel il serait prêt à payer un abonnement.

Espace personnel Washington Post
Page d’abonnement aux newsletters du Washington Post

Pour certains journaux comme le New York Times, les newsletters classées par thèmes peuvent être considérées comme du contenu exclusif réservé aux abonnés. En revanche, le lecteur peut choisir de recevoir un récapitulatif des nouvelles chaque matin.

À noter cependant que ces collectes de données personnelles impliquent un travail minutieux de mise en conformité avec la nouvelle réglementation européenne pour la protection des données personnelles.


Ce qu’il faut retenir de l'expérience lecteur proposée par ces trois médias américains

Après l’analyse des modes de fonctionnement de ces trois journaux, certains aspects semblent se démarquer :

  • Même si les zones d’autopromotion sont nombreuses et variées, leur cohérence amplifie l’impact de l’invitation à s’abonner
  • Pour interpeller le lecteur, pas besoin de longues phrases, il suffit d’un message impactant centré sur ses besoins et l’importance de son geste
  • Un compteur d’articles restants fait rapidement comprendre et de manière assez ludique le système d’accès mis en place mais il crée un certain sentiment d'urgence frustrant pour l'utilisateur
  • Plus la page de paiement est accessible et simple, plus les chances que les lecteurs complètent les étapes de paiement sont grandes
  • Proposer plusieurs offres adaptées au statut de l’utilisateur (étudiant, étranger,...) en plus des offres “classiques” peut permettre d’attirer un plus grand lectorat
  • Les offres promotionnelles encouragent les lecteurs réticents à s’abonner
  • La publicité étant un mode de monétisation controversé, il est intéressant de privilégier la data en tant qu’alternative à l’abonnement pour créer de la valeur
  • Le paywall peut être traité comme un élément changeant (prix, design, message) en fonction de plusieurs facteurs (période, zone géographique, tests d’offres,...)
  • Avoir des stratégies différentes pour le web et l’application mobile semble pertinent dans la mesure où les lecteurs n’ont pas forcément le même comportement sur les deux devices

Pour conclure, de nombreux aspects de l’expérience utilisateur peuvent être travaillés et optimisés lorsque l’on met en place un paywall.


Vous souhaitez mettre en place une stratégie d'abonnement et un paywall ? Prenez rendez-vous.


Au-delà de cette recherche, il reste capital de placer le contenu au coeur de la stratégie de financement du journal : c’est la valeur perçue des articles qui restera l’argument le plus convaincant pour que les lecteurs s’abonnent. Avec un nombre d’articles pouvant aller jusqu’à 5000 par mois pour le New York Times ou le Washington Post, on se rend très vite compte que ces journaux se positionnent tous en experts dans leur domaine et qu’ils promettent à leurs abonnés des articles qui leur conviendront, que ce soit en termes d’analyse ou d’objectivité.

Enfin, il est important de ne pas considérer le paywall comme étant un outil figé dans le temps et identique pour tous les lecteurs : le voir et le travailler comme un élément évolutif et perfectible est essentiel pour qu’il reste adapté à la situation de l’utilisateur (device, pays, statut, période, ...).

Si les paywalls évoqués satisfont déjà les lecteurs réguliers, on peut être amenés à se demander si l’intégration de nouveaux modes de financement tels que le paiement à l’unité ne convaincront pas des lecteurs plus occasionnels de devenir des lecteurs payants. Ce mode de paiement permettrait non seulement de générer de nouveaux revenus mais aussi et surtout faire grossir la part de lecteurs payants, susceptibles un jour de se laisser tenter par l’abonnement.