Les éditeurs, en France et à l’international, font face à de grands enjeux autour de la pérennité de leur business model. C’est une remise en question quasi permanente.
Les prises de décision concernant les investissements marketing et technologiques à effectuer pour assurer la croissance et l’augmentation des revenus sont donc toujours des sujets sensibles car complexes et incertains. Développer l’audience, améliorer l’efficacité publicitaire, développer les contenus premiums (et j’en passe d’autres) sont autant de sujets importants et de potentielles sources de développement.
Les éditeurs ont souvent privilégié l’accroissement de leur audience comme moteur de leur croissance, mais ces stratégies sont parfois remises en question avec la multitude d’acteurs présents dans les médias (pure players ou non) et l’instabilité des revenus publicitaires. Comme nous l’avons évoqué dans un article précédent (« l’engagement est plus important que le nombre de visiteurs uniques »), développer l’engagement et la fidélité de son audience peut se révéler être une stratégie intéressante car potentiellement plus rémunératrice et moins coûteuse, notamment dans une logique de développement de la base d’abonnés.
Un des sujets souvent moins mis en valeur est la réduction du churn sur les abonnés - digital ou print. Pourtant, lorsque l’on regarde de plus près, c’est un sujet essentiel. En effet, de gros investissements sont effectués par les éditeurs pour faire venir un internaute sur leur site, le fidéliser, et le transformer en abonné. Pour s’en rendre compte, il convient de regarder le taux de conversion des éditeurs (souvent inférieur à 1%).
Une fois les lecteurs (enfin) transformés en abonnés, il faut donc tout mettre en place pour les garder : il faut prévenir les risques de churn pour garantir des revenus sur le long terme.
Comment prévenir le risque de churn ?
De nombreux tests ont été effectués par des éditeurs américains comme Newsday et bien d’autres au cours des derniers mois. Ils ont testé et éprouvé avec succès un modèle appelé le « churn modeling ».
Quel est le principe ? Grâce à une étude précise de leurs lecteurs et de leurs abonnés, des raisons qui les poussent à s’abonner ou à se désabonner, les éditeurs sont capables de prédire le risque de désabonnement (via un score de 1 à 100) et la cause. Grâce à ces informations prédictives, les éditeurs peuvent mettre en place des actions correctives (via différents canaux) pour limiter le churn et augmenter le niveau de rétention des abonnés.
Par exemple, une diminution du taux d’engagement d’un abonné sur le site peut être un indicateur important du risque de churn. Si l’éditeur constate une dégradation de l’engagement du lecteur sur une période, il peut mettre en place des actions correctives pour prévenir le risque de désabonnement. Dans ce cas de figure, un des indicateurs importants à suivre est DAU / MAU (Daily Active User / Monthly Active User) soit le nombre de fois qu’un même utilisateur revient dans le mois.
Quelques exemples d’applications du « Churn Modeling »
Ces exemples ont été présentés par des éditeurs américains comme Newsday ou The Colombus Dispatch, lors d’un webinar organisé par la Newspaper Association of America.
Ces médias ont par exemple constaté qu’un changement de méthode de paiement ou un retard sont très souvent corrélés à un désabonnement futur. En paramétrant un message automatique personnalisé selon l’utilisateur, le Newsday a pu réduire le churn et augmenter la LFV (Life Time Value) de ses abonnés.
Autre exemple : envoyer un cadeau aux abonnés avec le risque de churn le plus élevé, comme une carte de remerciement, ou encore un produit, permet également de réduire le churn.
Proposer de tester un produit (up sell) gratuitement comme un magazine permet là encore de réduire le churn lorsque la probabilité de désabonnement est élevée.
Ces initiatives peuvent être réalisées en amont, en prévention. Par exemple, le test produit ou l’up sell « gratuit » est une pratique qui fonctionne bien lorsqu’on l’applique lors des 6 premiers mois de vie d’un nouvel abonné. Cela permet d’augmenter la fidélité et la durée de vie du lecteur.
Quels sont les bénéfices d’un tel modèle ?
Le churn modeling permet aux éditeurs, une fois le score de désabonnement déterminé, de mettre en place une batterie d’actions grâce à l’ensemble des ressources dont ils disposent : contenu, produit, équipe de vente, messages automatisés… De nombreux bénéfices peuvent être notés, parmi lesquels :
- Des coûts plus faibles pour retenir les abonnés que pour en acquérir ;
- Plus de revenus sur le LT grâce à une LTV (Life Time Value) prolongée ;
- Une meilleure satisfaction client en créant une expérience personnalisée ;
- Une meilleure connaissance client.
Mise à part l’analyse initiale qui peut présenter son lot de complexité, le churn modeling s’avère être une piste intéressante pour permettre aux éditeurs d’augmenter facilement leur niveau de profit à faible coût grâce à un peu de créativité et en utilisant des ressources à leur disposition.